
La Mère
The Work is Done !
La France… la première rencontre
Mirra Alfassa est née le 21 février 1878, à Paris, l’année suivant l’installation en France de son père, Moïse Maurice Alfassa, d’origine turque né à Adrianople, et de sa mère, Mathilde Ismalun, née à Alexandrie en Égypte. Lui, banquier et mathématicien, de confession musulmane et elle, adepte de Karl Marx, de confession juive, étaient athés et matérialistes. En soi, ses parents formaient déjà un couple hors du commun de part leur confession d’origine, leur athéisme et leur liberté de penser.
Comme tous les grands êtres, certaines expériences et situations préfigurent dès l’enfance un destin exceptionnel.
Extrait du Volume 13 des Mots de la Mère, p.38 – Pondicherry, 1920 :
Quand et comment ai-je pris conscience d’une mission que je devais accomplir sur terre ? Et quand et comment ai-je rencontré Sri Aurobindo ?
Vous m’avez posé ces eux questions et j’ai promis une réponse brève.
Il est difficile de dire quand cela est venu à moi. C’est comme si j’étais né avec… et, de paire avec la croissance de l’esprit et du cerveau, la précision et l’intégralité de cette conscience se sont également accrues.
Entre 11 et 13 ans, une série d’expériences psychiques et spirituelles m’ont révélé non seulement l’existence de Dieu, mais la possibilité pour l’homme de s’unir à Lui, de LE réaliser intégralement dans la conscience et l’action et de LE manifester sur terre dans une vie divine. Tout cela, avec une discipline pratique pour son accomplissement, m’a été donné pendant le sommeil de mon corps par plusieurs enseignants, dont certains que j’ai rencontrés par la suite sur le plan physique.
Plus tard, au fur et à mesure de mon développement intérieur et extérieur, la relation spirituelle et psychique avec l’un de ces êtres devint de plus en plus claire et fréquente; et bien que les philosophies et les religions indiennes m’ai été étrangères à ce moment-là, j’ai été amené à l’appeler Krishna. J’étais consciente que c’était avec lui que le travail divin devait être fait. Je savais alors que je devais le rencontrer un jour.
En 1910, mon mari vint seul à Pondichéry où, dans des circonstances très intéressantes et particulières, il fit la connaissance de Sri Aurobindo. Depuis lors, nous souhaitions tous les deux vivement retourner en Inde, le pays que j’avais toujours aimé comme ma vraie mère patrie. Et en 1914, cette joie nous fut accordée.
Dès que j’ai vu Sri Aurobindo, j’ai reconnu en lui l’être bien connu que j’appelais Krishna… Et cela suffit à expliquer pourquoi je suis pleinement convaincu que ma place et mon travail sont près de lui, en Inde.
Cette première rencontre bouleversa la vie de Mirra Alfassa.
Extraits des « Agendas de Mère » et des « Prières et Méditations »
Avant même de venir, de partir pour rencontrer Sri Aurobindo, j’avais réa- lisé tout ce qu’il fallait réaliser pour pouvoir commencer son yoga. C’était tout prêt et classé, organisé – magnifique ! Avec une superbe construction mentale qu’en cinq minutes, il a jetée par terre. Oh! Comme j’étais heureuse ! Ouf !…
Ça a été vraiment la récompense de tous mes efforts… Je me suis assise à côté de lui, simplement, comme cela, par terre…
Tout d’un coup, j’ai senti en moi comme une grande Force et une Paix ! Un silence ! Massif… Et je me suis aperçue que je n’avais plus une pensée, que j’étais absolument dans un blanc complet. Alors, j’ai rendu grâce au Seigneur et j’ai remercié Sri Aurobindo dans mon cœur…
Peu importe qu’il y ait des milliers d’êtres plongés dans la plus épaisse ignorance… sa présence suffit à prouver qu’un jour viendra où l’ombre sera transformée en lumière et où, effectivement, Ton règne sera instauré sur la terre.
La deuxième rencontre… l’installation
Après un séjour de onze mois auprès de Sri Aurobindo, elle est obligée de retourner en France en raison du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Un an plus tard, elle part au Japon pour une période de quatre ans, suivant son mari envoyé par le ministre des colonies, en mission commerciale au Japon.
Le 24 avril 1920, ils reviennent à Pondichéry.
À partir de cette date, Mirra Alfassa s’installe définitivement à l’ashram. Sa collaboration importante avec Sri Aurobindo est difficile à supporter pour son mari. Il demande le divorce deux ans plus tard.
En août 1926, Sri Aurobindo confie à Mirra Alfassa la direction de l’Ashram, officiellement fondé à cette date. Le 24 novembre 1926, il la reconnait publiquement comme étant « la Mère » et sa Shakti. À partir de ce moment-là, Sri Aurobindo se retire dans sa chambre, pour douze années. Peu de temps après, Sri Aurobindo publie un petit livre intitulé « La Mère ».
Extraits de « La Mère » par Sri Aurobindo
Le changement supra mental est décrété et inévitable dans l’évolution de la conscience terrestre, car cette conscience n’a pas terminé son ascension et le mental n’est pas son sommet final. Mais, pour que le changement puisse se produire, prendre forme et durer, il faut un appel d’en bas et une volonté de reconnaître, et non de nier, la lumière quand elle vient, et il faut, d’en haut, la sanction du Suprême.
La puissance qui sert de médiatrice, entre la sanction et l’appel, est la présence et le pouvoir de la Mère. Seule la puissance de la Mère, et non quelque effort ou austérité humaine, peut briser le couvercle, déchirer le voile, façonner le vaisseau et faire descendre en ce monde d’obscurité, de mensonge, de mort et de souffrance, la vérité, la lumière, la vie divine et la béatitude des immortels.
La vie Divine
Extrait du Volume 2 des Mots de la Mère, p.166 – Japon, 1920 :
MOI,
Je n’appartiens à aucune nation, aucune civilisation, aucune société, aucune race, mais au Divin.
Je n’obéis à aucun maître, aucun dirigeant, aucune loi, aucune convention sociale, mais au Divin.
Je lui ai tout livré, toute volonté, ma vie et moi-même; car à Lui, je suis prête à donner tout mon sang, goutte à goutte, si telle est Sa volonté, avec une joie complète; et rien dans Son service ne peut être sacrifice, car tout est délice parfait.
Pendant quarante-sept ans, Mira Alfassa est la Mère de l’Ashram.
En tout, elle aura passé cinquante-quatre ans en Inde, indienne pour les uns, française pour les autres… universelle pour la plupart.
Extrait du Volume 13 des Mots de la Mère, p.43 – Pondicherry, 1954 :
Je veux souligner cette journée par l’expression d’un désir cher depuis longtemps, celui de devenir citoyen indien. Dès ma première visite en Inde, en 1914, j’ai senti que l’Inde était mon véritable pays, le pays de mon âme et de mon esprit. J’avais décidé de réaliser ce souhait dès que l’Inde serait libre. Mais j’ai dû attendre encore plus longtemps à cause de mes lourdes responsabilités pour l’Ashram ici à Pondichéry. Le moment est venu de me déclarer.
Mais, conformément à l’idéal de Sri Aurobindo, mon but est de montrer que la vérité réside dans l’union plutôt que dans la division. Rejeter une nationalité pour en obtenir une autre n’est pas une solution idéale. J’espère donc pouvoir adopter une double nationalité, c’est-à-dire rester française pendant que je deviens Indienne.
Je suis française de naissance et d’éducation préscolaire, je suis indienne par choix et prédilection. Dans ma conscience, il n’y a pas d’antagonisme entre les deux, au contraire, ils se combinent très bien et se complètent mutuellement. Je sais aussi que je peux être utile aux deux également, pour mon seul but dans la vie est de donner une forme concrète au grand enseignement de Sri Aurobindo et dans son enseignement il révèle que toutes les nations sont essentiellement une et destinées à exprimer l’unité divine sur la terre à travers une organisation et une harmonie diversité.
Auroville
En 1968, elle fonde Auroville, « La ville de l’Aurore », à quelques kilomètres de Pondichéry, une ville qui n’appartient à aucun pays, sous l’égide de l’Unesco.
Auroville a pour vocation d’être un lieu de vie communautaire universelle, où hommes et femmes de tous pays apprennent à vivre en paix et en harmonie, autant que possible, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités.
La charte fondatrice d’Auroville dit :
1. Auroville n’appartient à personne en particulier. Auroville appartient à toute l’humanité dans son ensemble. Mais pour séjourner à Auro- ville, il faut être le serviteur volontaire de la Conscience Divine.
2. Auroville sera le lieu de l’éducation perpétuelle, du progrès constant, et d’une jeunesse qui ne vieillit point.
3. Auroville veut être le pont entre le passé et l’avenir. Profitant de tou- tes les découvertes extérieures et intérieures, elle veut hardiment s’élancer vers les réalisations futures.
4. Auroville sera le lieu des recherches matérielles et spirituelles, pour donner un corps vivant à une unité humaine concrète.
La Mère a quitté son corps en 1973, lors du dernier bétonnage des quatre piliers du Matrimandir, le temple en forme de coupole, au toit doré, d’Auroville.